Réaliser un kit pédagogique à l’aide d’une imprimante 3D

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  • Chromosomes
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par Jérôme Garnier, technicien de laboratoire, lycée Gustave Eiffel de Dijon.

L’impression 3D nous offre la possibilité de créer des outils répondants exactement à nos attentes et besoins nous ouvrant ainsi les portes d’une grande liberté pédagogique. C’est dans cet esprit que ce « kit chromosomes » a vu le jour.

Ce kit pédagogique de chromosomes imprimés en 3D permet aux élèves de terminale spécialité SVT de manipuler concrètement des chromatides, d’échanger des segments lors d’un crossing-over et de suivre la formation de gamètes recombinés ou parentaux. L’activité associe un modèle élève, manipulable en binômes ou petits groupes, et un grand modèle professeur aimanté qui se fixe au tableau pour reprendre collectivement les différentes étapes de la méiose.

 

L’usage de l’impression 3D offre ici une double plus-value pédagogique : d’une part, un support de manipulation robuste, précis et très visuel pour comprendre les brassages intra- et interchromosomiques ; d’autre part, un matériel évolutif, peu coûteux et facilement modifiable, qui ouvre des perspectives de co-construction de kits pédagogiques adaptés aux besoins de chaque équipe disciplinaire.

 

Place dans les programmes
  • Niveau : classe de terminale, spécialité SVT.
  • Thème A1 : L’origine du génotype des individus.

L’activité s’inscrit plus particulièrement dans l’étude de la méiose, des brassages intra- et interchromosomiques et de la diversité génétique des gamètes. Elle intervient après l’introduction des mécanismes de la méiose et du crossing-over, et permet de consolider ces notions par la manipulation de modèles.

Objectif pédagogique

Faire passer les élèves d’une vision purement schématique de la méiose à une représentation spatiale et dynamique des chromosomes. Amener les élèves à distinguer clairement gamètes parentaux et gamètes recombinés, et à comprendre que lors d’un crossing-over réussi, seule une des deux chromatides de chaque chromosome homologue échange un segment portant un des deux gènes liés. Réinvestir les conventions d’écriture du génotype en manipulant des allèles notés A/a, B/b, C/c et en reliant organisation chromosomique, méiose et diversité des gamètes obtenus.
Développer la capacité à raisonner par étapes (phase I, puis phase II) en s’appuyant sur la manipulation guidée par le kit.
Sensibiliser les élèves et les enseignants aux possibilités de l’impression 3D comme outil de conception de matériel didactique sur mesure et durable.

Mise en œuvre de l’activité pour les élèves

Dans le cadre du thème 1A L’origine du génotype des individus, les élèves de terminale spécialité SVT découvrent que la méiose et ses deux brassages sont pourvoyeurs de diversité génétique au sein des gamètes.

Le professeur a proposé aux élèves les maquettes de chromosomes après qu’ils aient découvert le phénomène de crossing-over. Ils avaient pour consigne de réaliser les deux méioses (avec et sans crossing-over) chez un individu hétérozygote pour ses deux gènes liés. Cela leur permettait de manipuler les chromosomes autrement qu’en les schématisant. Bon nombre d’élèves échangeaient les deux allèles en même temps et arrivaient donc à des gamètes 100% parentaux (cf. image 1). Ils ont bien pris conscience que seul un des deux gènes est échangé lors d’un CO afin de mener à des gamètes recombinés (cf. image 2).

 

Pour les élèves les plus avancés, nous avons rajouté une paire de chromosomes afin de réviser le brassage interchromosomique vu la semaine précédente (cf. image 3).

 

Les élèves ont apprécié manipuler des chromosomes aimantés leur permettant une compréhension fine des phénomènes de méiose, brassage intra- et interchromosomiques. Cela leur a permis aussi de réinvestir les conventions d’écriture des génotypes en utilisant des gènes nommés différemment par rapport à ceux du TP.

Le côté ludique a été un atout majeur pour terminer de façon sereine et plus « joyeuse » une séance dense de TP consacrée à la génétique.

 

Le matériel / Conception du kit

Le modèle « élève » est constitué de 2 chromatides distinctes. Au niveau du centromère est inséré un aimant (Ø 5mm, H 5mm) ce qui permet une liaison et une désolidarisation facile et rapide. Lors de l’assemblage attention à bien anticiper l’orientation des aimants afin que les 2 chromatides ne se repoussent pas et que l’ensemble soit coordonné avec les autres chromosomes. Sur la partie basse de chaque chromatide est fixé, via une petite vis, un cylindre sur lequel viennent se placer les gènes. L’extrémité des chromatides contient un aimant (Ø 4mm, h 5mm) qui vient se placer sur la tête de vis du cylindre maintenant ainsi les 2 gènes. Cette vis permet un réglage fin de la jonction entre la chromatide et son extrémité amovible. L’ensemble est totalement modulable. Deux ergots situés placés de part et d’autre de l’aimant du centromère permettent d’éviter toute rotation des deux parties du chromosome.

Chaque emplacement de rangement est conçu pour épouser la forme des chromosomes afin de le maintenir au mieux lors du transport : en cas de choc les différents éléments resteront solidaires. Sous la boite un petit bourrelet a été ajouté et vient s’emboiter dans la rainure du couvercle limitant ainsi le risque de glisse et de chute du kit lorsque les boites sont empilées. Pour retirer facilement les différents éléments de leur emplacement une cavité a été ajoutée au niveau du centromère.

 

Les inscriptions sur le couvercle sont intégrées à la première couche d’impression et ne risquent donc pas de s’effacer avec le temps et les frottements. L’imprimante employée ici permet l’utilisation simultanée de plusieurs couleurs sur une même couche. Cependant ceci est tout à fait réalisable avec une imprimante mono-couleur car il existe des techniques d’impressions adaptées à ce cas de figure (1). La conception reste la même dans les deux cas. La fixation sur le couvercle se fait par deux ergots à droite et gauche du couvercle. Les poignées situées de chaque côté permettent d’écarter ces ergots pour ouvrir la boite.

Mise en œuvre de l’activité pour le professeur

Pour ce modèle professeur la conception globale reste inchangée. L’ensemble se devait d’être visible par l’ensemble de la classe. Les couleurs sont bien entendu coordonnées avec les kits élèves et la taille est passée de 106mm à 300mm. Chaque chromatide peut être fixée au tableau grâce à l’ajout de 4 aimants (Ø5mm x h5mm) sur sa face arrière en conséquence aplatie.

 

L’accent devait être mis également sur la facilité de manipulation : la jonction au niveau du centromère se fait cette fois par 6 aimants (3 par chromatide). Sur la partie basse les 2 pôles sont identiques et pôle opposé pour la partie supérieure. De plus, un ergot rectangulaire à été ajouté au milieu des aimants : tout cela permet une mise en place très simple, sans risque de rotation et surtout très stable, le chromosome peut ainsi être très facilement déplacé en le glissant sur le tableau sans se démonter.

Ce modèle « professeur » a été utilisé pour le moment pour illustrer la notion de méiose :

Modélisation du brassage interchromosomique (utilisation de 2 paires de chromosomes) : Il n’y a qu’à schématiser les contours des cellules lors des 2 divisions de méiose et à déplacer les chromosomes dans les différentes cellules pour montrer la répartition aléatoire des chromosomes puis des chromatides, jusqu’à la formation des gamètes.

Modélisation du brassage intrachromosomique (utilisation de la grande paire de chromosomes) : mise en évidence du phénomène de crossing-over en réalisant des échanges de portions de chromatides.

 

La conception par impression 3D du kit

Avant tout impression il est nécessaire d’utiliser un « Slicer », logiciel permettant de combiner la géométrie de la pièce, les spécificités de l’imprimante (taille du plateau, températures supportées, rapidité de déplacement de la tête…) et des réglages plus fins propres à nos besoins ou permettant un gain en temps et en qualité d’impression. Nous avons utilisé en particulier l’option « impression adaptative » : le logiciel augmente ou diminue automatiquement la hauteur de chaque couche en fonction de la morphologie de la pièce.

L’imprimante a été ouverte en fonctionnement pour un meilleur refroidissement de couches et améliorer la silhouette de nos chromosomes : la section ronde de nos chromosomes imprimée verticalement et plus généralement les pièces sphériques ont souvent une forme « écrasée » où la partie inférieure est déformée. En améliorant la ventilation pendant l’impression les couches se figent plus rapidement et les déformations peu esthétiques sont ainsi limitées.

  • Logiciel de modélisation : FreeCad (gratuit)
  • Slicer : Bambu studio (gratuit)
  • Imprimante 3D utilisée : Bambu Lab P1S, buse 0.4mm (700€ en octobre 2025). Ceci est une imprimante FDM c’est-à-dire à dépôt de couches successives (pas de résine).
  • Matière utilisée : PLA et PLA Haute vitesse 1.75mm
  • Temps d’impression :

Ensemble des pièces pour 1 chromosome grand modèle complet (2 chromatides, 2 cylindres, 2 extrémités, 2 caches aimants (au niveau du centromère), 4 gènes bicolores) (106x52x12mm): 1h25

Ensemble des pièces pour 1 chromosome petit modèle complet (2 chromatides, 2 cylindres, 2 extrémités, 2 caches aimants (au niveau du centromère), 2 gènes bicolores) (82x42x12mm): 1h20min

Boite (225x125x18mm): 4h42

Couvercle (225x125x8mm): 2h35

  • Temps total d’impression : 

12h00 si impression individuelle de chaque chromosome

10h15 si impression par couleur (1 grand chromosome + 1 petit et 6 gènes bicolores)

  • Coût de l’impression (consommable uniquement) :

Chromosome grand modèle: 0,33€

Chromosome petit modèle: 0,26€

Boite: 3,10€

Couvercle: 1,60€

  • Coût de l’impression pour une boite complète (chromosome grand modèle x2, chromosome petit modèle x2, 1 boite, 1 couvercle) :

environ 5,80€ .

il faut ajouter également 8 aimants Ø 5mm et 8 Ø4mm pour un montant d’environ 4,5€.

Total: 10,30€

Pour conclure

Ce kit semble avoir répondu à nos besoins pédagogiques mais des ajouts et modifications restent possibles car l’impression 3D permet ce côté dynamique à notre matériel. De plus le coût est relativement maitrisé et demeure bien inférieur à ce que nous pourrions trouver chez nos fournisseurs. Il devient ainsi possible de créer ses propres maquettes pédagogiques avec un investissement raisonnable comme par exemple cette cellule végétale démontable modélisée à l’aide du logiciel Blender :

Contrairement aux idées reçues, l’acquisition d’une imprimante 3D n’est pas très onéreuse et peut être rapidement rentabilisée. Aujourd’hui, il est possible d’en trouver à 150€. Elles offrent un très bon compromis entre qualité de réalisation, fiabilité et prix. Bien souvent la rapidité est le petit point faible de ces produits d’entrée de gamme mais ils n’en restent pas moins très intéressants.

Merci beaucoup à Amandine Jacob, Sabine François et Frédéric Rousseau pour leurs retours d’expériences et leurs riches apports pour la partie pédagogie.


Ressources : un tutoriel de Jérôme Garnier pour bien démarrer avec FreeCAD 3D

Lien vers le tutoriel sur Portail Tubes

https://tube-sciences-technologies.apps.education.fr/w/vSAFqW2zwyzXAm4zYExY13